Chers amis,
Puis-je vous parler d'un
projet d’autant plus fou que la date limite pour le boucler est le 10 novembre
prochain (quoiqu'un sursis ne serait pas impossible !) ? Cela pourrait sembler insensé ou désespéré mais je veux croire qu’il est encore réalisable car, en ces temps
tourmentés, il pourrait intéresser certains d’entre vous.
Nous savons pour la plupart que
le monde traverse actuellement une crise qui affecte toutes les dimensions de
la vie humaine et pourrait amener aussi bien un chaos économique, écologique que
sociétal — voire les
trois en même temps.
Les « optimistes »
diront que cette situation n’est pas nouvelle et qu’elle pourrait durer encore des
années ou des décennies. Néanmoins comment ne pas éprouver un sentiment de
malaise face à l’accélération d’une actualité alarmante qui nous laisse de moins
en moins de certitudes et si peu de raisons d’espérer ?
Si vous avez comme moi l’impression
que le monde est sur une mauvaise pente et qu’il serait urgent d’emprunter des
voies alternatives, l’esquisse de projet qui suit pourrait vous intéresser car
il s’agit, pour une part, de favoriser la transition vers un développement
durable local par le lien social, la solidarité, l’écologie, l’agriculture biologique
sous toutes ses formes et, d’autre part, d’en retirer une certaine sécurité tant
du point de vue financier que « survivaliste » (pour appeler un chat
un chat).
I.
Les grandes lignes
Il s’agirait de former une
« société » ,
au sens noble comme au sens juridique, qui accompagnerait une association loi
1901 d’aide aux précaires et aux chômeurs, le
Maillon Eco, dans l’acquisition d’une terre agricole de 33 hectares
située à la Réunion, dans les hauts du « sud sauvage ». Un tiers au
moins de sa superficie serait dédiée à l’installation d’un
Centre Agricole pour L'Innovation Sociale, Solidaire et Ecologique (CALISSE) par
les chômeurs et précaires pour les chômeurs et précaires.
Il y aurait déjà là une forme de
résistance active à l’ordre marchand par la préservation et la valorisation des
hommes, des cultures, des pratiques, des savoirs ancestraux (variétés
anciennes, artisanat traditionnel, etc.) mais aussi par la restauration hautement
symbolique de «
communs », c’est-à-dire d’un espace
représentant un tiers de la surface totale qui serait, en quelque sorte, tenu à
l’écart du droit propriété individuelle et serait mis à la disposition de
l’association
Maillon Eco dont le président est
Georges Arhiman
Le reste de la surface relèverait
du droit d’usage privatif que pourraient exercer les associés-investisseurs à
proportion de leurs apports respectifs dans la « société » sur la
base de grosso modo 1 m² pour 1 € (de sorte qu’une part sociale, fixée à 1000 €, représentera 1000 m²) [3].
Les taxes foncières et autres frais de gestion de la terre (assurance, etc) seront intégralement
réglées par l’association et par tout autre cultivateur (un associé-investisseur
ou celui à qui il a donné bail) dans la proportion relative des surfaces
cultivées. Par exemple, si l’association Maillon Eco est seule à travailler la terre, elle paiera 100% des frais en question quelle que soit la surface utilisée. Mais si elle travaille, disons, neuf
hectares et qu’un investisseur ayant investi 10.000 euros décide de mettre son hectare en production, il disposera de 10% de la surface
cultivée et assumera donc 10% du total des frais.
Cette dispense des charges pour les
investisseurs non producteurs compense le fait de renoncer à un revenu
financier issu de la mise en culture. Même s’il peut être envisagé et probablement
souhaitable qu’après, disons, dix années, l’association soit, en sus des taxes
foncières, redevable d’un faible pourcentage sur ses récoltes — je pense à quelque chose comme 10%
maximum avec montée en puissance progressive — il ne s’agirait pas d’en faire une source de profit mais
bien plutôt de financer les aménagements destinés à faciliter la production et
valoriser ainsi la terre. Ceci constituerait, en soi, un gain pour les investisseurs.
De fait, dans le contexte d’un
système financier qui, nous dit-on, serait à nouveau en risque de s’effondrer comme en 2008 — avec, par exemple,
les banques italiennes, Deutsche Bank et bon nombre d’autres banques
européennes qui se trouvent à nouveau au bord du gouffre
— l’intérêt d’un investissement dans la terre ne tient pas
tant à sa capacité de produire qu’à son caractère
tangible qui, à l’instar de l’or, de l’argent, des matières
premières, de l’immobilier ou simplement des biens de première nécessité, lui
confère une valeur intrinsèque qu’un effondrement monétaire, financier ou
économique pourrait valoriser de manière importante et ce d’autant plus que la
terre agricole est encore très bon marché en raison des contraintes légales qui
l’encadrent.
Outre le fait que sa valeur ne
pourra que croître, détenir une terre agricole sous forme de parts sociales offre
une réelle (foncière) sécurité financière dans la mesure où il s’agit d’un bien
qui, tout en étant immobilier, est aussi aisément cessible.
Enfin, dans le pire des cas,
celui d’un effondrement sociétal avec affaiblissement ou disparition plus ou moins complète de l’Etat, on peut penser que des communautés rurales solidaires
capables d’une production vivrière autonome auront de meilleures chances de
résister, de s’adapter et de vivre dans de bonnes conditions.
II.
Principes de respect de la terre, de l’animal et
de l’humain
Il est clair qu’un tel projet
vaut d’abord par son éthique de sorte qu’il paraîtrait indispensable qu’en
toutes circonstances, la « société » propriétaire légal du terrain en
question veille à faire respecter les principes (non exhaustifs) suivants :
1.
Respect absolu de la terre et des hommes qu’elle
nourrit et donc stricte interdiction de tout pesticide et autre poison. En la
matière, le cahier des charges de l’agriculture biologique servira de référence
ou de point de départ.
2.
Respect absolu du bien être animal et respect des équilibres écologiques donc
interdiction de toute visée d’élevage animal à fin de consommation. Les animaux présents sur le terrain détenu par la « société » le seront pour d'autres raisons (p. ex. : utilitaire, pédagogique, écologique, etc.) et seront traités dans le respect de leurs besoins physiologiques et psychologiques, c’est-à-dire,
sans aucune violence.
3.
Respect absolu du travail humain et donc
interdiction de toute forme d’exploitation même légale des salariés ou autres « fermiers »
susceptibles de travailler sur le terrain.
4.
Autre
chose ?
III.
Gouvernance
Quelque soit son statut juridique, la « société »
propriétaire du terrain disposera d’un
conseil d’administration démocratique auquel l’association
Maillon Economique participera comme tout
autre associé — puisqu’elle
contribuera, serait-ce minimalement, au capital en apportant ainsi la compétence agricole nécessaire pour
procéder à l’acquisition.
En tant que porteur de projet, l'association Maillon Eco se verra attribuer l'usage des communs, à titre exclusif. Elle pourra le conserver indéfiniment tant qu'elle agira... :
- conformément à ses objectifs
- conformément aux principes adoptés par la « société »
- et qu'elle règlera sa part des frais occasionnés par la gestion de la terre (taxes, assurances, etc.) sur la base du pourcentage de terre mise en culture comme indiqué plus haut.
Dans le cas contraire, les communs pourraient alors être attribués à une ou plusieurs autres associations aux buts conformes ou compatibles avec
ceux de la « société » ET disposant de la compétence agricole.
IV.
Le Centre Agricole pour L’Innovation Sociale,
Solidaire et Ecologique (CALISSE)
Ce projet n’est pas encore
finalisé mais il suffit de savoir qu’il s’agirait a minima d’un « potager
d’insertion » créé et entretenu par des chômeurs et précaires pour des
chômeurs et précaires dans la droite
ligne du
Centre agricole d’expérimentation sociale imaginé par le
MNCP au milieu des
années 80.
Sur cette première structure pourront ensuite se greffer toute sorte
d’activités agricoles ou artisanales respectueuses des principes évoqués
précédemment. Si vous souhaitez en apprendre davantage, vous pouvez visionner ce petit (10')
interview de Georges Arhiman complètement improvisé et "brut de coffrage".
V. Financement participatif ou crowdfunding
Pour information : parallèlement au présent « tour de table », un appel aux dons en ligne sera organisé sur une plateforme dédiée (probablement
Ulule) afin de 1) augmenter les moyens de
l’association en vue de la réalisation de son projet et 2) lui permettre
d’acquérir davantage de parts dans la « société » — et donc davantage de
surface cultivable garantie.
Même si, par miracle, l’association
obtenait suffisamment de fonds pour acquérir seule l'ensemble du terrain, elle ne le
ferait pas car elle n’a pas vocation à réaliser des placements et nécessite plutôt d’investir dans sa structure et ses moyens. Ainsi, quoi qu’il advienne, une
« société » sera constituée avec les associés-investisseurs intéressés
et, dans le meilleur des cas pour l’association, celle-ci y prendra seulement
les parts nécessaires pour garantir son accès à grosso modo 50% de la surface
(c’est-à-dire, les 33% qui
lui seront attribués grâce au principe des communs auxquels s'ajouteront 17% de terre à usage privatif).
VI.
Le terrain
Le terrain de 33 ha — dont j’ai parlé à certains
d’entre vous il y a déjà six ans —
revient sur le marché après l’interminable faillite du mandataire judiciaire
qui en avait la charge. Situé à environ 1000 mètres d’altitude, face à l’océan
indien, sur le versant sud, dans la commune de Saint Joseph, une
petite ville de quelques 30.000 habitants, il est accessible par une route étroite,
raide autant que sinueuse. Il comprend plusieurs parcelles, donc certaines
indépendantes, avec un couvert végétal principalement constitué d’arbustes et
de lande. On trouve de la friche à proximité d’un petit bâti ouvert aux quatre
vents mais encore solide.
Il importe d’indiquer que l’association Maillon Eco connaît bien ce terrain
car dans une vie antérieure (en tant que Groupement des Chômeurs Actifs) elle l’a eu en sa possession de 1994 à 2004. Elle pu construire le petit
bâti et travailler la terre sur quelques hectares jusqu’à ce qu’une promesse de
financement institutionnel non tenue la mette en faillite (dette sociale) et amène
la saisie du terrain en question.
Selon Georges Arhiman qui parle donc d'expérience, tout pousse sur ce terrain.
Je
précise qu’il s’agit bien d’une terre agricole et non d’un terrain
constructible même si de plus en plus de constructions surgissent à proximité.
La pluviométrie dans le sud est
généreuse, surtout dans les hauts mais, selon Georges Arhiman, une source
pourrait aussi être recherchée non loin du bâti.
VII.
Conclusion
Voilà, vous savez à peu près tout ce que je sais sur ce
projet qui vise à :
1. Contribuer à la réinsertion et l’empowerment des chômeurs et précaires de
la Réunion grâce à une mise en activité de production agricole saine et éthique qui leur
redonnera confiance en eux et les aidera à sortir d’un assistanat qui les
fragilise
2. Favoriser l’émergence d’une économie
alternative, circulaire, écologique, non pas axée sur le profit mais au
contraire l’équité, l’équilibre, et le respect, tant dans son rapport à l’homme qu’à la
nature
3. Réaliser un placement de bon père de
famille, c’est-à-dire, non pas en vue de gains immédiats mais pour la sécurité qu’offre
cette valeur pérenne, tangible et d’avenir qu'est la terre agricole.
Vos parts sociales seront comme des petits lingots
d’or mais sans la méchante imposition qui frappe ces derniers à la sortie
et sans risque de se les faire dérober. Elles prendront tôt ou tard (et a
priori plus tôt que tard) de la valeur et il n’y aucun moyen qu’elles en
perdent. Au besoin, vous pourriez les revendre facilement vu
l'engouement actuel pour la terre agricole.
J’ai bien conscience que tout cela est encore à l’état
d’esquisse et qu'il manque mille précisions importantissimes mais à tout le
moins vous avez déjà une bonne idée de ce qui est proposé.
Comme les réponses aux questions que vous vous poserez
pourront éclairer tous ceux d’entre vous qui sont intéressés par un tel projet,
ce texte est posté sur
un blog dédié qui fera office de forum grâce au fil de commentaires. Je vous invite à y laisser d’ores et déjà vos éventuelles questions,
Georges Arhiman (sous réserves) et moi-même feront de notre mieux pour y
répondre rapidement.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie pour l’attention consacrée
à ce texte trop hâtif que je suis tout disposé à améliorer en fonction de vos
retours.
En espérant qu'il pourra néanmoins vous donner envie de vous joindre à cette aventure, auquel cas, vous pourrez vous informer
ici sur la procédure à suivre pour participer.
Si vous savez déjà que telle n'est pas votre intention mais que vous souhaitez néanmoins aider l'association
Maillon Eco par un don (
crowdfunding) vous pourrez le faire très prochainement
ici.
Enfin, quoi qu'il en soit, vous pouvez toujours nous aider en faisant circuler ce message le plus largement possible.
Encore merci.
Bien à vous,
Luc-Laurent